Liberté

Le choix et l’instinct est un essai qui explore la notion de libre arbitre à travers une approche philosophique et scientifique. Entre neurosciences, génétique et réflexions sur la prise de décision, j’y questionne l’idée que nous sommes pleinement maîtres de nos choix. Ce livre propose une analyse des influences qui façonnent nos décisions et invite à repenser notre conception de la liberté.

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Avant propos

On l’élève au rang de vertu suprême, mais la liberté n’est peut-être qu’une illusion que l’on s’acharne à mal comprendre. Nous nous croyons libres parce que personne ne nous tient en laisse. Nous pensons ce que nous pensons, nous faisons ce que nous faisons, et cela nous suffit pour conclure que nous décidons. La science, de son côté, observe sans s’émouvoir : elle trouve dans nos gênes, nos habitudes et notre environnement de quoi expliquer nos choix, sans jamais déranger notre illusion. Après tout, il est plus commode d’être manipulé quand on se croit maître.

Les progrès en neurosciences et en génétique ont mis fin à un certain romantisme. Nos décisions, croyait-on, sortaient toutes fraîches de notre volonté, comme Minerve du crâne de Jupiter. Il semble, en réalité, qu’elles aient été préparées sans nous. Depuis les années 80, Benjamin Libet a montré que le cerveau déclenche l’action avant même que nous ayons l’idée de vouloir agir. John-Dylan Haynes l’a confirmé avec des appareils plus coûteux et des conclusions plus glaciales : nous croyons décider, mais nous suivons.

Ce constat, pour certains, suffit à enterrer la liberté. Il faudrait pourtant apprendre à lire les conclusions jusqu’au bout. Si le cerveau décide avant nous, il n’est pas pour autant immuable. Les circuits changent, les habitudes modèlent les réflexes, et l’environnement se mêle de notre hérédité — on appelle cela l’épigénétique, mot savant pour dire que tout n’est pas perdu. La plasticité neuronale, elle, ne promet pas la liberté, mais une marge de manœuvre. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est plus qu’assez pour gêner les fatalistes.

C’est là l’objet de cet essai : examiner ces forces discrètes qui nous poussent, souvent sans bruit, et chercher comment les infléchir. Il ne s’agit pas de ressusciter le libre arbitre à coups de grandes déclarations, ni d’écrire un plaidoyer en faveur du déterminisme. Ces disputes ont déjà rempli trop de bibliothèques et vidé – ou fait perdre – trop de têtes. L’enjeu est ailleurs : comprendre comment, dans les limites que la nature nous impose, il est encore possible de choisir. Pas tout, pas toujours — mais quelque chose.

Au fil de ces pages, je formulerai cinq lois fondamentales qui structurent cette réflexion. La première sera la suivante :
Tout être vivant soumis à des déterminismes biologiques et environnementaux possède la capacité d’altérer progressivement ces déterminismes par des processus de plasticité neuronale et épigénétique.

Autrement dit, nous ne sommes ni totalement libres, ni totalement prisonniers. Notre autonomie se construit, s’affine, se conquiert. À travers ce livre, je vous invite donc à une exploration : celle des mécanismes qui nous façonnent et des leviers qui nous permettent, peut-être, de reprendre en main une partie de notre destinée.

La question demeure : êtes-vous en train de lire ces lignes par choix, ou votre cerveau avait-il déjà pris cette décision bien avant vous ?